Une des conséquences de la crise sanitaire liée à la COVID-19 est qu’une large partie de la population belge et bruxelloise a expérimenté, parfois pour la première fois, le télétravail complet. Depuis, la vie sociale a repris peu à peu ses marques, mais de nombreux dirigeants et travailleurs souhaitent conserver un télétravail, au moins partiel. Cette diffusion plus large amène à devoir revoir et approfondir les analyses précédentes concernant le télétravail, en visant des profils d’emplois plus variés. En effet, les connaissances actuelles sur les impacts du télétravail se basent sur des profils d’emploi qui ne correspondent plus nécessairement aux télétravailleurs actuels. De même, la massification du recours à cette nouvelle organisation du travail implique de revoir et actualiser les analyses sur impacts sociétaux actuels et futurs.
Analyser les enjeux liés à la diffusion du télétravail sous l’angle de la dette sociale individuelle et collective offre une perspective innovante et intégrée. Elle permet de prendre en compte les impacts peu traités du télétravail du point de vue des aspects individuels des télétravailleurs, des équipes de travail recourant au télétravail, des travailleurs dont l’activité est impactée de manière directe ou indirecte par cette nouvelle organisation et des habitants de l’agglomération bruxelloise. La notion de dette implique aussi de s’interroger sur la responsabilité de cette dette et notamment sur le transfert de la charge de l’employeur vers l’employé et la société qu’implique la généralisation du télétravail. Dans ce cadre, la notion de dette sociale permet de prendre également en compte des enjeux collectifs de grande ampleur qui nécessitent d’être clarifiés. Cette nouvelle forme d’organisation du travail implique des transformations collectives de différentes natures. La question de l’immobilier et de l’aménagement du territoire est par exemple cruciale en matière d’impact du télétravail sur les dynamiques urbaines. La généralisation de la pratique du télétravail pourrait également avoir un impact sur les finances publiques de la Région de Bruxelles-Capitale.
L’objectif de cette recherche sera d’analyser, ou plutôt d’anticiper, la dette sociale pour la Région de Bruxelles-Capitale liée à l’augmentation du télétravail. On entend par ‘dette sociale’ : l’impact et les enjeux (individuels et collectifs) induits par le télétravail, et ce dans de multiples dimensions : qualité de vie et bien-être des travailleurs, sentiment d’appartenance à l’organisation, activité économique (en tenant compte des différenciations sectorielles), mobilité, aménagement du territoire, finances publiques et environnement.
Vu les permanences existant dans le monde du travail et au niveau des dimensions directement ou indirectement liées, tels que l’immobilier, la mobilité ou les finances publiques, une approche sur le temps long est particulièrement adaptée à l’analyse de la problématique. Pour ce faire, nous utiliserons un devis méthodologique mixte pour la récolte des données visant à la construction des scénarios prospectifs : une méthode quantitative (questionnaire visant à recueillir les données objectives et subjectives liées à la dette sociale individuelle et collective auprès d’un large échantillon représentatif de travailleurs en RBC ) et des méthodes qualitatives (workshop, focus groups) auprès de différents acteurs “clefs” (délégué syndical, médecin du travail, responsables publics et privés …). Ceci nous permettra de mobiliser des données inédites, par leur ampleur et les enjeux traités pour tenter de prédire les perspectives futures du développement du télétravail et ses impacts sociaux. La démarche prospective se voudra donc participative, co-construite avec les experts et les travailleurs concernés directement ou indirectement par le télétravail. Cette démarche prospective sera pluridisciplinaire. Elle impliquera des spécialistes des impacts psychosociaux de l’organisation du travail, des géographes experts en analyse des dynamiques urbaines et des économistes maitrisant les enjeux d’organisation des entreprises et d’économie appliquée.
Les résultats seront particulièrement utiles, tant pour les autorités bruxelloises en charge de l’emploi de la mobilité, du logement, de l’aménagement du territoire ou des politiques sociales, que pour le monde du travail au sens large et l’ensemble des bruxellois. Nous serons donc très attentifs à assurer une bonne diffusion et vulgarisation des résultats, que ce soit par la création d’un site internet dédié, mais aussi par la mobilisation de différents médias et format d’interventions visant à toucher un public large, averti ou non.